Que vous vouliez ouvrir un compte ou que vous ayez besoin d’un financement, votre banquier va vous demander vos comptes (bilan, compte de résultat, annexe) et les éplucher.
Sachez que vos comptes fournissent beaucoup d’informations et que votre banquier vous demandera sans doute un certain nombre d’informations complémentaires ; vous devez lui répondre sans essayer de tricher, car la plupart du temps, il s’en rendra compte en procédant à des recoupements avec d’autres informations ou avec vos comptes.
De mauvais chiffres ne sont pas forcément un handicap à condition de savoir les commenter habilement ; par exemple, une baisse de chiffre d’affaires peut être volontaire pour se débarrasser de clients trop exigeants ou mauvais payeurs.
Ce qui peut vous sembler une bonne chose ne l’est pas forcément pour votre banquier ; par exemple, une progression du chiffre mal maîtrisée peut conduire à une dégradation dangereuse de la trésorerie voire à la liquidation de votre entreprise.
Pour analyser vos comptes votre banquier va procéder en deux étapes : l’analyse économique de votre entreprise et l’analyse financière de vos comptes.
I – L’analyse économique de votre entreprise
1 – Éléments juridiques
Forme juridique (entreprise individuelle, société, association)
Capital (montant, répartition entre les associés)
Associés (identité, situation financière)
Dirigeants (compétence, niveau de responsabilité)
2 – Éléments économiques
Activité (secteur et branche)
Produits (technicité ou non)
Clients (nombre, poids respectif)
Fournisseurs (nombre, poids respectifs)
Points forts et points faibles
II – L’analyse financière de vos comptes
1 – Le résultat de l’exercice
C’est la première information que votre banquier va vouloir connaître.
Votre entreprise dégage-t-elle des pertes ou bénéfices ?
Évolution du résultat par rapport aux exercices précédents.
Les résultats (bons ou mauvais) sont-ils dus en partie à des opérations exceptionnelles ?
2 – Le bilan
Les capitaux propres
Quel est le niveau de vos capitaux propres par rapport au total du passif ?
En dessous de 20 % de capitaux propres (voir plus pour des activités gourmandes en capitaux), les banques considèrent qu’une entreprise est sous-capitalisée, car ce qui n’est pas financé par les fonds propres est donc financé par les dettes. Comme le passif finance l’actif, si l’entreprise est mise en liquidation, les créanciers non privilégiés (dont les banques) sont à peu près sûrs de ne pas être remboursés.
En cas de bénéfice, quelle est la politique des associés quant à la répartition du résultat ?
Si le bénéfice est intégralement distribué (mis à par la réserve légale), cela signifie que les capitaux propres n’augmentent pas alors que les besoins de financement d’une entreprise augmentent généralement avec la croissance du chiffre d’affaires ; c’est donc un mauvais point.
Si tout ou partie du bénéfice est non distribué, donc mis en réserve, cela permet d’accroître les capitaux propres et donc de faire face, au moins partiellement, à de nouveaux besoins de financement ; c’est donc un bon point.
Le Besoin en Fonds de Roulement (BFR)
Le besoin en fonds de roulement est le besoin de financement généré par l’activité courante. Il se calcule ainsi :
(Stocks + Clients + Autres créances de l’actif circulant) – (Fournisseurs + Dettes fiscales et sociales + Autres dettes).
Dans la plupart des PME, l’activité génère un besoin en fonds de roulement, car les charges sont souvent payées avant l’encaissement des ventes.
Si l’activité génère un BFR, dès que le chiffre d’affaires augmente, le BFR augmente ; une progression du chiffre d’affaires non maîtrisé peut conduire à une cessation des paiements et à la liquidation de l’entreprise.
Le Fonds de roulement (FR)
Le fonds de roulement est l’excédent des ressources stables sur les immobilisations. Il se calcule ainsi :
(Capitaux propres + comptes d’associés bloqués + emprunts à moyen ou long terme + Provisions pour risques et charges) – Immobilisations nettes.
Le fonds de roulement sert à financer tout ou partie du besoin en fonds de roulement.
Si une entreprise a un besoin en fonds de roulement et qu’elle n’a pas de fonds de roulement, elle doit financer son besoin en fonds de roulement en totalité avec des crédits bancaires de trésorerie.
Il faut savoir que les banques n’acceptent généralement de financer qu’une partie du besoin en fonds de roulement (rarement plus de 40 % sauf dans le cas de crédits de campagne de courte durée pour financer la constitution de stocks de produits).
Les emprunts bancaires
Quel est la part du bilan financée par les banques ?
A comparer à la part des associés ?
Voir plus loin les ratios.
Les stocks
Quel est approximativement le poids des stocks par rapport au chiffre d’affaires ?
Comment ces stocks évoluent-ils ?
Calcul rapide du délai de rotation des stocks = (stocks TTC x 360) / CA TTC
Les délais de règlement clients
Quel est approximativement le délai de règlement des clients par rapport au chiffre d’affaires ?
Comment ce délai évolue-t-il ?
Calcul du délai de règlements clients = (Clients TTC x 360) / CA TTC
Les délais de règlement fournisseurs
Quel est approximativement le délai de règlement des fournisseurs ?
Comment ce délai évolue-il ?
Calcul du délai de règlements fournisseurs = (Fournisseurs TTC x 360) / Achats TTC
Les dettes fiscales et sociales
Le poste dettes sociales et fiscales a-t-il augmenté sensiblement sans raison apparente ?
Si vous avez des retards de paiement pour vos cotisations sociales ou vos impôts l’évolution de ce poste les fera ressortir.
Les autres créances et autres dettes
Si les montants sont importants, votre banquier vous demandera les détails.
Un compte courant d’associé personne physique ne doit jamais être débiteur, car il est assimilable à un abus de bien social qui est un délit.
2 – Le compte de résultat
Comment évolue le CA ?
Trois situations possibles : il stagne, il diminue, il augmente.
Votre banquier vous demandera les causes de cette évolution : une diminution au profit de la rentabilité peut être une très bonne chose, une augmentation au détriment de la trésorerie et/ou de la rentabilité peut être très dangereuse pour la pérennité de votre entreprise.
Calcul rapide de l’évolution : {(CA de l’exercice N x 100) / (CA de l’exercice N – 1)} – 100
Quel est le poids des charges de personnel et son évolution ?
Les charges de personnel représentent dans la plupart des entreprises un poste important et souvent incompressible (sauf pour les CDD et les heures supplémentaires) ; ces charges font partie des charges fixes et quelle que soit l’évolution du chiffre d’affaires il faudra y faire face.
Si vos charges de personne semblent trop lourdes ou augmentant régulièrement, les financiers y verront un point de fragilité ce qui est souvent vrai.
Quel est le poids de la rémunération de l’équipe dirigeante et son évolution ?
Votre banquier ne manquera de vouloir connaître votre propre rémunération ; si elle lui semble excessive par rapport aux performances de votre entreprise, il y a de bonnes choses pour qu’il ne vous accompagne autant que vous pourriez le souhaiter sachant que la rémunération d’un dirigeant responsable doit dépendre en bonne partie des résultats de l’entreprise qu’il dirige.
Les immobilisations sont-elles amorties correctement ?
Les dispositions légales laissent aux entreprises une certaine latitude quant à l’amortissement de leurs équipements, mais la tentation peut être grande de diminuer les amortissements pour améliorer un résultat insuffisant ou négatif.
Ce type de manipulation est facile à déceler et laisse planer un doute la véracité des comptes et sur la fiabilité de l’équipe dirigeante.
Quelle est la politique de provisionnement ?
Lorsqu’une entreprise est confrontée à certaines difficultés telles que des stocks qui s’alourdissent, des clients qui payent en retard ou qui ne paient pas, des litiges avec des fournisseurs, des clients ou les administrations fiscales et sociales, elle doit constituer des provisions et celle-ci font l’objet d’un examen attentif de la part de votre banquier : y-a-t-il trop ou pas assez de provisions par rapport aux risques existants ; un résultat faible voire négatif avec des risques évidents (retards de paiement, alourdissement des stocks) laisse entendre que les provisions n’ont pas été constituées et que les comptes ont été « manipulés » pour masquer la réalité de la situation.
Trop de provisions, au contraire, peut conduire à un redressement en cas de contrôle fiscal.
Les charges financières
S’il n’est pas facile à la lecture d’un bilan, qui est arrêté à une date donnée, de connaître l’endettement réel d’une entreprise dans le courant d’un exercice comptable, il est facile de connaître le montant des charges d’intérêts qu’elle aura supportées pour l’ensemble de l’exercice avec une simple règle de trois en prenant en compte les taux pratiqués et en connaissant la part de charges financières générée par les emprunts à moyen ou long terme.
Une augmentation sensible des charges financières sans augmentation de l’endettement à moyen ou long terme est un signe incontestable de détérioration de la trésorerie qui peut être la première étape d’une situation de cessation de paiements faute de financements supplémentaires.
La capacité d’autofinancement
La capacité d’autofinancement (CAF) est un outil déterminant pour connaître la capacité de l’entreprise de faire face à son endettement actuel ou à solliciter de nouveaux emprunts.
Elle se calcule ainsi : Résultat net + dotations aux amortissements, dépréciations et provisions – reprises sur dépréciations et provisions (cessions à déduire si nécessaire = opérations en capital du compte de résultat).
La CAF est comparé à l’endettement et les financiers considèrent que l’endettement à moyen ou long terme d’une entreprise ne doit pas excéder 3 ou 4 fois la CAF.
En résumé
Quels sont les points de fragilité les plus couramment constatées dans les PME :
1 – Des capitaux propres insuffisants,
2 – Une progression du chiffre d’affaires mal maîtrisée au détriment de la trésorerie
2 – Des charges fixes trop lourdes (loyers, charges de personnel notamment),
3 – Des délais clients trop longs,
4 – Une rémunération de l’équipe dirigeante excessive au regard des performances de l’entreprise
5 – Un politique de distribution des résultats trop généreuse au détriment du renforcement des capitaux propres.