Le secret bancaire en France

Comme la plupart des professions, les banquiers sont tenus au secret professionnel et ils ne peuvent le lever que dans des conditions précises, au profit le plus souvent d’administrations, mais quelquefois aussi de personnes ordinaires.

Le principe du secret bancaire en France

La loi bancaire de 1984 dit que « tout membre d’un Conseil d’administration ou d’un Conseil de surveillance, ainsi que toute personne qui a un titre quelconque et qui participe à la gestion d’un établissement de crédit ou qui est employée par celui-ci, est tenu au secret professionnel ».

La violation de cette obligation est passible de sanctions pénales. En outre, la banque peut se voir condamnée à des dommages-intérêts au profit des personnes qui auraient subi un préjudice du fait de cette indiscrétion.

En effet, il est formellement interdit à un banquier de donner à une personne privée des renseignements sur la situation du compte d’un de ses clients ou sur toute opération effectuée sur ce compte. Il s’agit d’un délit sanctionné par l’article 226-13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Les limites du secret bancaire

1 – À l’égard des personnes privées

Beaucoup de personnes peuvent exiger de la banque communication de renseignements concernant la clientèle.

  • Les ayants droit du client de la banque

La banque ne peut pas opposer le secret aux personnes qui ont des intérêts communs avec son client, mais elle doit limiter la communication de ses informations à ce qui concerne uniquement cette communauté.

  • Le compte joint

Tous les co-titulaires d’un compte joint peuvent demander des relevés du compte et le détail des opérations effectuées, y compris les noms des personnes au profit desquelles ont été émis les chèques tirés sur ledit compte.

  • Les époux

Les banques doivent opposer le secret professionnel à l’égard du compte que le conjoint a ouvert en son nom personnel.
Il est donc interdit à la banque de dévoiler, même au conjoint, les opérations effectuées par l’un des époux sur ses comptes personnels. Bien entendu, il ne peut y avoir de secret si les époux se sont donné mutuellement procuration sur leurs comptes.

  • Les mandataires

Le secret professionnel ne peut être opposé au mandataire, mais uniquement dans la limite des termes du mandat.
Ainsi, la banque doit conserver une grande discrétion à l’égard du salarié d’une société à qui l’on a donné une procuration sur le compte de l’entreprise.

  • Les héritiers

Normalement, la banque ne peut pas opposer le secret professionnel aux héritiers d’un défunt, qui doivent pouvoir connaître la nature des opérations dont ils vont hériter.
Il faut cependant distinguer entre les opérations purement patrimoniales et celles qui peuvent relever de la vie privée du défunt. Ces dernières doivent rester secrètes.

  • Les cautions

Les banques n’ont pas le droit de lever le secret professionnel au profit des cautions ; ce principe souffre deux exceptions :

  • Les banques sont obligées d’informer une fois par an au moins les personnes qui se sont portées caution à leur profit d’un crédit accordé à une entreprise. Si cette condition n’est pas remplie, la sanction en est la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information (article L313-22 du Code monétaire et financier).
  • Les banques doivent aussi indiquer à la caution ce qu’elle doit, à partir du moment où la caution vient à jouer. Dès lors il n’y a plus de secret.
  • Les relations commerciales

Les relations commerciales entre des entreprises ou des particuliers amènent très souvent les banques à devoir divulguer certains renseignements sans enfreindre pour autant le secret professionnel, et pourtant ces informations ne sont pas toujours favorables au client de la banque.

  • Les incidents de paiement

Une banque ne viole pas le secret professionnel lorsqu’elle rejette un effet de commerce ou un chèque pour manque de provision, bien, qu’en réalité, elle se trouve avoir ainsi informé le bénéficiaire que le compte de son client est insuffisamment provisionné.
En cas d’émission de chèques sans provision, les banques ont l’obligation d’avertir la Banque de France et il existe une diffusion interbancaire des interdits de chèques.
De plus, tout bénéficiaire d’un chèque peut avoir accès à un fichier lui permettant de savoir si le chèque est émis régulièrement.

  • Les photocopies de chèques

La banque ne peut normalement remettre à son client ni le chèque ni la photocopie complète d’un chèque qu’il a lui-même émis. Les formules de chèques, lorsqu’elles ont été utilisées, peuvent comporter, en effet, des mentions confidentielles.
Par exemple, les endos qui indiquent le nom de la banque du bénéficiaire et parfois le numéro de compte de ce dernier. Seule la photocopie du recto peut donc être communiquée au tireur.

  • Les saisies-attribution

Lorsqu’un compte bancaire est saisi par un créancier, la banque doit communiquer à l’huissier tous les renseignements concernant la réalité des biens saisis. Elle devra ainsi indiquer tous les avoirs qu’elle détient et qui appartiennent au client saisi : compte courant, compte d’épargne, etc.
En revanche, les sommes déposées au coffre ne sont pas saisies et la banque n’a même pas à signaler l’existence de ce coffre.

  • Les pensions alimentaires et injonctions de payer

Les banques sont quelquefois requises pour prélever d’office sur le compte d’un client des pensions alimentaires non réglées, notamment en cas de divorce. C’est une procédure qui s’appelle « l’injonction de payer ». Elles doivent alors communiquer à l’autorité intervenante le montant du compte.

  • Les renseignements commerciaux

Lorsqu’elles sont interrogées sur la situation financière d’un de leurs clients, les banques ne doivent pas communiquer d’informations sur le fonctionnement du compte, mais une simple appréciation sur le client.

  • Les cartes bancaires

Les commerçants peuvent, lors de tout achat réglé par carte, interroger le centre de paiement de la carte concernée, qui à son tour interroge la banque du client, du moins lorsque les montants sont relativement importants. L’interrogation porte uniquement sur la solvabilité de l’acheteur, et notamment sur les incidents de paiement dont il aurait pu faire l’objet. Le centre de paiement de la carte doit se contenter de donner une autorisation ou un refus non motivé au commerçant, d’accepter ou de refuser la carte.

2 – À l’égard des administrations

  • Le Fisc

L’administration fiscale a un droit général de communication dans la comptabilité des banques.
Le droit de communication permet aux inspecteurs du fisc de consulter dans la banque tous les comptes (relevés de comptes, bordereaux de remise de chèques ou d’effets, copies de chèques) d’un contribuable et des membres de sa famille sur une durée de six ans. Ils peuvent en prendre photocopie.
Toutefois, les agents des impôts n’ont pas accès aux coffres des clients et ne peuvent exiger d’être présents lors de l’ouverture d’un coffre au moment d’une succession.

  • Déclaration des ouvertures de comptes

Lors de chaque ouverture de compte (compte courant, compte à terme, compte de titres, prêts etc.), les banques doivent déclarer l’identité du titulaire. Elles déclarent également les clôtures et les modifications qui peuvent intervenir sur ces comptes.
L’administration gère l’ensemble de ces renseignements sur un fichier informatique appelé « FICOBA ».

  • Déclaration des revenus

Les banques déclarent au fisc tous les revenus qu’elles ont encaissés pour le compte de leur clientèle ainsi que l’identité des bénéficiaires (intérêts versés par la banque, revenus de portefeuille titre, achats et ventes de titres).
Elles doivent aussi déclarer les intérêts versés aux non-résidents.

  • Successions

En cas de succession, les banques n’ont aucune déclaration spéciale à fournir.
Elles doivent simplement répondre à l’administration, si celle-ci les interroge sur le montant des avoirs du défunt au jour du décès. Une seule exception concerne les comptes joints. Le décès d’un co-titulaire doit être déclaré au service de l’Enregistrement.

  • Bons de caisse anonymes

Les banques sont autorisées à émettre des bons de caisse dont les porteurs peuvent conserver l’anonymat vis-à-vis du fisc en contrepartie d’une fiscalité très lourde (prélèvement libératoire sur les intérêts de 73,5 % et impôt sur le capital de 2 % à chaque 1er janvier).

  • Les douanes

L’administration des douanes peut pratiquement se faire communiquer tout document. Elle peut même se faire ouvrir les coffres.

  • La justice

Les banques sont déliées du secret professionnel à l’égard de la justice, tout au moins devant les juridictions pénales. Elles doivent alors remettre tous les documents qui leur sont demandés et, le cas échéant, répondre à toutes les questions qui leur sont posées.
En revanche, le secret bancaire peut, de façon générale, être opposé aux juges civils ou aux juges de commerce, à l’exception des procédures de divorce et de celles relatives aux procédures collectives.

  • La Banque de France

La Banque de France tient le fichier des « interdits de chèques » au vu de la déclaration que lui fournissent les banques chaque fois qu’un de leur client a émis un chèque sans provision.
Les banques doivent déclarer périodiquement à la Banque de France le montant des crédits professionnels (au-dessus d’un certain seuil) qu’elles ont octroyés et l’identité des bénéficiaires.

  • L’Autorité des marchés financiers (AMF)

L’AMF a un droit de regard sur les banques. Ce droit ne s’exerce cependant que pour surveiller la correction des opérations effectuées sur les marchés financiers ou en cas de placements.

Les fichiers des banques

Les fichiers des clients des banques sont tenus de façon informatique. Les banques sont donc soumises à la loi informatique et libertés. Elles ne peuvent utiliser ces fichiers que conformément à leur objet, c’est-à-dire uniquement pour la gestion des clients. En d’autres termes, elles ne peuvent pas divulguer leur contenu à des tiers. Les clients des banques peuvent exiger de celles-ci communication des renseignements qui les concernent et qui figurent au fichier et, le cas échéant, exiger la rectification des erreurs qu’il conviendrait.

Enfin, la banque ne peut opposer le secret professionnel à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.

Les informations qu’une banque est en droit de demander à ses clients

En application de l’article R. 561-12 du Code Monétaire et Financier, les éléments d’information susceptibles d’être recueillis par une banque pendant toute la durée de la relation d’affaires aux fins d’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme peuvent être :

1 – Au titre de la connaissance de la relation d’affaires

  • le montant et la nature des opérations envisagées ;
  • la provenance des fonds ;
  • la destination des fonds ;
  • la justification économique déclarée par le client ou le fonctionnement envisagé du compte

2 – Au titre de la connaissance de la situation professionnelle, économique et financière du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif

Pour les personnes physiques

  • la justification de l’adresse du domicile à jour au moment où les éléments sont recueillis ;
  • les activités professionnelles actuellement exercées ;
  • les revenus ou tout élément permettant d’estimer les autres ressources ;
  • tout élément permettant d’apprécier le patrimoine ;
  • s’agissant des personnes mentionnées aux I, II et III de l’article R. 561-9, les fonctions ou tout élément permettant d’apprécier la nature des liens existants entre ces personnes

Pour les personnes morales

  • la justification de l’adresse du siège social ;
  • les statuts ;
  • les mandats et pouvoirs ;
  • ainsi que tout élément permettant d’apprécier la situation financière.

Pour les structures de gestion d’un patrimoine d’affectation sans personnalité morale, d’une fiducie ou de tout autre dispositif juridique comparable relevant du droit étranger

  • un document justifiant la répartition des droits sur le capital ou sur les bénéfices de l’entité au nom de laquelle l’ouverture d’un compte ou l’exécution d’une opération est demandée.